Le réchauffement climatique pourrait avoir un impact énorme sur l’espérance de vie des espèces à sang froid, c’est-à-dire les reptiles et les amphibiens, selon une recherche réalisée par le doctorant Gavin Stark du département de zoologie de l’Université de Tel-Aviv sous la direction du Pr Shai Meiri, en collaboration avec le Dr Daniel Pincheira-Donoso, de l’École des Sciences biologiques de l’Université Queen de Belfast en Irlande. Les résultats de l’étude, l’une des les plus complètes réalisées à ce jour pour mieux comprendre les facteurs qui affectent l’espérance de vie de tous les vertébrés vivants dans le monde, remettent également en cause la théorie actuelle selon laquelle la durée de vie serait liée à la vitesse du métabolisme.
La théorie du "taux de vie" a longtemps été acceptée pour expliquer pourquoi les organismes vieillissent. Selon cette théorie, plus le taux métabolique est rapide, plus la durée de vie est courte. En effet, les facteurs qui accélèrent les taux métaboliques, tels qu’une température corporelle élevée et la recherche active de nourriture, conduisent à une "usure" organique, et donc à une réduction de la durée de vie, par le biais d’une accumulation d’erreurs biochimiques et de sous-produits métaboliques toxiques. En d’autres termes, la rapidité des fonctions internes de l’organisme et notamment l’âge auquel il commence à se reproduire, ou bien la lenteur de ces mêmes fonctions et du taux de reproduction, détermineront la durée de vie de l’espèce. Ceci explique pourquoi certains vertébrés, comme les grenouilles, ne peuvent vivre que quelques mois, tandis que d’autres, comme les baleines et les tortues, peuvent vivre pendant des siècles. Ancienne de plus de 100 ans, cette théorie n’avait jusqu’à présent été testée que sur des gammes limitées d’espèces, et non sur l’ensemble des vertébrés à l’échelle mondiale. Partant d’un ensemble de données sur la durée de vie de 4 100 espèces de vertébrés terrestres, les chercheurs de l’université de Tel-Aviv et de l’Université Queen de Belfast ont effectué le test le plus complet à ce jour pour vérifier cette théorie du taux de vie. Les résultats de leur étude les ont amenés à constater que le taux de vie n’affectait pas le taux de vieillissement, et donc à rejeter le lien précédemment établi entre métabolisme et longévité. En revanche, l’étude a révélé que les taux de vieillissement des organismes à sang froid, notamment les amphibiens et les reptiles, étaient associés à des températures environnementales élevées. Ils en ont conclu que l’espérance de vie est déterminée par des facteurs de mortalité extrinsèques. De là découle que le potentiel de réchauffement rapide, résultant de l’augmentation actuelle des températures mondiales, pourrait conduire à des taux accélérés de vieillissement des organismes ectothermes (à sang froid).
"La relation simple entre les taux métaboliques, les dommages oxydatifs et la durée de vie n’a pas été vérifiée, explique Gavin Stark, mais surtout, nos résultats mettent en évidence que le lien entre la durée de vie des animaux à sang froid (amphibiens et reptiles) et les températures ambiantes pourrait signifier que ceux-ci sont particulièrement vulnérables au réchauffement global sans précédent que la planète connaît actuellement. En effet, si l’augmentation des températures ambiantes réduit la longévité, cela peut rendre ces espèces plus sujettes à la disparition à mesure que le climat se réchauffe." D’après les chercheurs, ces résultats peuvent avoir des implications cruciales pour la compréhension des facteurs qui contribuent à l’extinction des espèces, en particulier à notre époque moderne où nous sommes confrontés à un déclin mondial de la biodiversité, les animaux à sang froid étant particulièrement menacés. En effet, selon la Liste rouge des espèces menacées publiée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sur les 10 000 espèces d’amphibiens recensées dans le monde, près d’une sur cinq est menacée d’extinction. "Ce n’est qu’en approfondissant notre compréhension de ce lien entre la biodiversité et le changement climatique que nous pourrons établir de futures politiques adaptées susceptibles d’empêcher de nouveaux dommages à l’écosystème", concluent les chercheurs.
L’étude a fait l’objet d’une publication dans la revue Global Ecology and Biogeography.
Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, rédacteur en chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv – Israël Science Info